Voilà qui va faire le bonheur des constructeurs chinois. Le gouvernement vient de dévoiler la méthode de calcul du nouveau bonus écologique qui entrera en vigueur en 2024, et celui-ci ne semble finalement pas cibler les voitures électriques chinoises.
Bruno Le Maire l’avait annoncé en juillet dernier lorsqu’il avait présenté ce nouveau bonus écologique : les voitures seront classées en fonction de leurs émissions de carbone totales, y compris celles issues de leur fabrication.
De nombreux observateurs pensaient alors que ce nouveau calcul permettrait au gouvernement d’établir une forme de protectionnisme et de cibler les voitures électriques chinoises, qui opposent une concurrence de plus en plus féroce aux constructeurs européens. Or, cela ne semble finalement pas être le cas.
On connaît depuis aujourd’hui le détail exact de la méthode de calcul. Le gouvernement a publié un texte très technique de 14 pages, dans lequel de nombreuses équations expliquent comment l’empreinte carbone d’une voiture sera déterminée.
L’empreinte carbone officielle d’une voiture sera la somme de 6 paramètres :
- L’empreinte carbone des métaux ferreux utilisés dans la fabrication, hors batterie
- L’empreinte carbone de l’aluminium, hors batterie
- L’empreinte carbone des autres matériaux
- L’empreinte carbone liée à la fabrication de la batterie
- l’empreinte carbone liée à l’énergie nécessaire aux transformations intermédiaires et à l’assemblage de la voiture
- L’empreinte carbone liée au transport de la voiture depuis son site d’assemblage jusqu’à son lieu de distribution en France.
Cette nouvelle méthode de calcul du bonus est-elle une usine à gaz ?
Ce dossier sera sans doute un véritable casse-tête pour les entreprises automobiles, car elles devront faire le bilan de la moindre émissions liée à chaque voiture produite. Les constructeurs devront déposer pour chaque version de voiture un dossier extrêmement détaillé, dans lequel ils fourniront au gouvernement les données d’émissions de CO2 pour chacun de ces aspects.
Ces empreintes carbone seront également très difficiles à vérifier pour le gouvernement français : comment savoir si les émissions que déclare un constructeur pour la fabrication d’une pièce particulière ont été correctement mesurées ? Voilà qui ouvrira la porte à de potentielles fraudes.
Et ne parlons pas de l’empreinte carbone due à la fabrication des métaux : pour l’instant, les constructeurs ignorent totalement combien de CO2 émet la fabrication des métaux qu’ils utilisent, puisque ceux-ci sont produits par des entreprises différentes.
Les voitures électriques chinoises ne seront que peu défavorisées
Mais ce qui interpelle surtout, c’est que le score d’une voiture ne sera basé que sur son bilan carbone. Ce qui remet en cause la théorie selon laquelle le gouvernement viserait les voitures électriques chinoises.
En effet, sur les 5 premiers paramètres du calcul, on voit mal comment un constructeur européen pourrait se démarquer de ses concurrents chinois : les méthodes de fabrication des métaux et des matériaux suivent à peu près les mêmes processus partout dans le monde, et les voitures construites en Europe sont de toute façon très souvent produites à partir de matériaux en provenance de Chine ou d’autres pays à l’énergie très carbonée.
C’est donc sur le dernier paramètre, les émissions liées au transport, que les constructeurs pourront se démarquer. Mais la différence sera très faible : le bilan carbone de la fabrication d’une voiture électrique est d’environ 14 tonnes de CO2, en incluant les métaux et la batterie.
Or le bilan carbone pour le transport d’une voiture de la Chine à la France est bien plus faible : le transport maritime émet environ 12 g de CO2 par tonne et par kilomètre, ce qui donne des émissions de seulement 264 kg de CO2 pour transporter une voiture sur les 11 000 kilomètres qui séparent Shanghai de Paris, par exemple.
Ce nouveau bonus écologique ne semble donc pas défavoriser particulièrement les voitures électriques chinoises à l’heure actuelle. Cependant, attendons de connaître les scores officiels des différents modèles avant de tirer des conclusions.
Leur calcul sera-t-il explicité ou restera-t-il opaque, permettant d’instaurer tout de même une forme de protectionnisme ? La réponse arrivera d’ici le 1er Janvier 2024, date d’entrée en vigueur du nouveau bonus.
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